Loin d'Ici Qc 2007 > 2010
L’histoire me rattrape à bord d’un pick-up vers une destination espérée. Juillet 2010, j’empreinte La route des Baleines qui longe la baie du Saint-Laurent vers le nord. Je veux rejoindre L’archipel des Îles Mingan pour voir les monolithes, curiosités géologiques aux pieds fragiles. Une brève rencontre avec un lièvre provocant, et mon chemin se mue en désert de solitude. Le temps s’étire, et mes yeux s’abîment, rivés sur l’asphalte, hypnotisé par les lignes qui s’allongent devant moi.
Au delà des limites de ce fil tracé par l’homme, la force inouïe de la nature qui m’encercle m’apparait comme une évidence, une vérité bouleversante.
L’appel du lièvre, dont le titre aurait pu être Nature Noire, tant cette teinte imprègne les photographies. L’appel du lièvre est une série composée de tableaux qui illustrent un parcours introspectif le long d’une route bordée d’une nature sombre et puissante.
3ème partie
L'appel du lièvre
juillet 2010
Loin d'ici, première partie
2007
Loin d'Ici 2ème partie The Storm River's Motel
L’appel du lièvre Un matin de juin, j’emprunte la route des baleines qui longe la baie du Saint-Laurent vers le Nord-Est canadien. Depuis quelques jours, je roule au volant d’un pick-up que m’a prêté une amie, une vieille bagnole mangée par la rouille. Je suis parti retrouver des chimères aperçues sur une brochure touristique dans une auberge de Gaspésie plusieurs années auparavant. L’archipel des Îles Mingan est habité de géants massifs aux pieds fragiles, des curiosités géologiques sculptées par le temps. Une brève rencontre avec un lièvre sur la fameuse Route des Baleines, et mon chemin se mue en désert de solitude. Derrière les vitres devenues opaques, ternies par la poussière et les insectes écrasés, se dévoile une route austère et isolée. C’est un fil tissé par l’homme, une voie taillée pour rejoindre les mines d’aluminium, ce minerais noir et argenté qui emplit l’air et teinte le sable et les poumons. C’est un itinéraire de chasseurs saisonniers, armés de fusils, qui décorent leurs véhicules de carcasses encore chaudes, et font des trophées de cadavres d’animaux immenses et majestueux. Près d’un lac brumeux, des ours pendent accrochés à une branche la tête en bas et se vident de leur sang dans la fumée d’un bivouac. Il faut se rendre plus près du bord pour oublier les hommes et saisir le calme apparent de ces grands espaces indomptés.
Quelques jours de plus, et le temps s’étire avec la route. Mes yeux s’abiment, écorchés par l’asphalte. Je navigue l’esprit détraqué, hypnotisé par les lignes qui s’allongent devant moi. De loin en loin, des bâtisses éparses témoignent de rares vies humaines. Vestiges ou refuges, elles demeurent liées par des câbles qui les rattachent au monde civilisé. Les pensées troubles, je descends de voiture pour reposer mes sens. Oppressé par un grondement puissant et incessant, je quitte la route et pars à pied suivre le cours de la rivière et le vacarme sourd et persistant de sa chute. La force inouïe qui me fait face tord le bois comme de la guimauve. Cette nature se révèle devant moi, formidable, puissante ; sauvage. Égaré, étourdi, je rattrape le fil qui me lie aux miens. Il est temps pour moi de rejoindre la route.